Virus du pied chétif du blé (WDV) : première détection en Belgique
Le virus du pied chétif du blé (Wheat Dwarf Virus) a, pour la première fois, été identifié en 2019 formellement en Belgique, dans des essais du CRA-W conduits par Guillaume Jacquemin. S’il s’agit bien d’une première, la détection de cette virose en Belgique n’est pas pour autant un « scoop ». En effet, la maladie du pied chétif du blé est connue depuis 1990 dans le centre de la France. Elle est transmise par une cicadelle : Psammotettix alienus. Cette espèce est indigène en Europe occidentale, et plutôt thermophile. Sa distribution en France a tendance à s’étendre, principalement vers l’est et vers le nord. Qu’elle touche aujourd’hui le territoire belge n’a donc rien d’étonnant. De la même façon qu’ils aggravent l’impact de la jaunisse nanisante transmise par les pucerons, les automnes doux et prolongés, de plus en plus fréquents, favorisent l’activité des cicadelles et le risque de pied chétif.
Une cicadelle comme vecteur
Les cicadelles constituent un groupe d’insectes de petite taille (2 à 6 mm de long), dont la morphologie rappelle celle des cigales (étymologiquement, « cicadelle = petites cigales »). Ces insectes piqueurs-suceurs s’alimentent de sève élaborée en introduisant leurs stylets dans le phloème des plantes. Il existe de nombreuses espèces de cicadelles, chacune ayant un spectre de plantes-hôtes plus ou moins étendu. Leur nuisance pour les cultures est surtout liée à la vection de virus, ou d’autres pathogènes comme des bactéries (Xylella fastidiosa, …) ou des phytoplasmes (flavescence dorée de la vigne, …).
La cicadelle Psammotettix alienus compte généralement trois générations par an. C’est la dernière génération annuelle qui véhicule le virus du pied chétif dans les jeunes emblavures d’automne. Une piqûre d’alimentation de quelques minutes suffit à une cicadelle virulifère pour infecter une plante. A l’inverse des pucerons qui forment des clones, la cicadelle vectrice du pied chétif ne se multiplie pas à l’automne dans les céréales. Elle est aussi beaucoup plus mobile que les pucerons : elle se déplace dans les champs par sauts prolongés de vols de quelques mètres. Ses déplacements sont assez désordonnés, et donne aux champs infestés par le virus du pied chétif un aspect différent de celui des champs atteints par la jaunisse nanisante. Ces derniers présentent des plages plutôt circulaires où les plantes ont été infectées de proche en proche par un puceron ailé (infection primaire) puis par sa descendance (infection secondaire), alors dans un champ atteint de pied chétif, la distribution de l’infection se présente par petites tâche d’une, ou de quelques plantes voisines.
Sur le blé, les symptômes de pied chétif apparaissent à la sortie de l’hiver : les plantes sont rabougries, et certaines finissent par périr. Un tallage excessif et la production de petites talles peuvent aussi se produire en réaction à l’infection. La jaunisse nanisante, quant à elle, ne montre généralement ses premiers symptômes sur le blé qu’en fin de montaison.
Réchauffement climatique ? Coupable !
La détection du virus du pied chétif chez nous en 2019 répond évidemment à l’automne 2018 particulièrement doux et long, qui a permis une activité prolongée des cicadelles, et peut-être également la réalisation d’un cycle biologique de plus qu’à l’habitude. Cette observation est, elle aussi, à mettre en rapport avec le réchauffement climatique, et les automnes de plus en plus doux et longs qu’il entraîne sur nos régions.
Enjeux agronomiques et précautions
Sur le plan agronomique, les enjeux actuels de la présence de ce virus en Belgique ne sont pas (encore) très inquiétants. Il est même probable que ce virus soit présent depuis plusieurs années, mais que ses symptômes aient été confondus avec -ou masqués par- ceux de la jaunisse nanisante. Il est également vraisemblable que les traitements dirigés contre les pucerons vecteurs de jaunisse nanisante aient masqué la présence du pied chétif. Dans l’immédiat, le plus important pour l’agriculteur est certainement d’éviter d’exploser les emblavures à ces ravageurs par des semis trop hâtifs. Ce qui est vrai pour les pucerons l’est également pour les cicadelles : plus le semis est précoce, plus l’emblavure est exposée aux insectes vecteurs de virus. La surveillance du virus du pied chétif doit s’organiser. Au cours de l’automne, le piégeage des cicadelles dans les champs de céréales peut se faire assez facilement dans le prolongement des observations sur les pucerons.
Issu du Livre Blanc « Céréales » – Septembre 2019