Lutte chimique
Après avoir mis en œuvre, en fonction de contraintes diverses et variées, toute une série de leviers agronomiques utiles pour lutter contre les mauvaises herbes, la céréale est semée. Les possibilités d’intervention en cours de culture se résument dès lors à la lutte chimique et/ou à la lutte mécanique.
Lorsque l’option chimique est privilégiée, la détermination du traitement herbicide adéquat dépend de la culture (sélectivité), de la flore présente (efficacité - spectre) et de l’état de la flore présente (niveau d’infestation et stade de développement - modulation de la dose).
Plus de précisions quant à la sensibilité des mauvaises herbes aux herbicides, à la composition des produits, aux possibilités agréées ou à la sensibilité des variétés de froment au chlortoluron, sont disponibles sur le site internet.
Traitements automnaux
En fonction du stade de développement atteint par la culture et par la flore adventice rencontrée au sein de la parcelle, diverses options peuvent être recommandées pour lutter contre les mauvaises herbes durant l'automne. Celles-ci sont reprises dans le tableau ci-dessous.
En escourgeon, la lutte contre les adventices a lieu presqu’exclusivement à l’automne et les possibilités de rattrapages printaniers sont réduites. En froment, un traitement automnal est rarement conseillé et presque toujours suivi par un rattrapage au printemps. Le cas échéant, le désherbage est raisonné "en programme".
Les traitements de préémergence doivent être raisonnés sur base de l'historique de la parcelle. Il est en effet difficile de choisir de façon pertinente un traitement sans connaître les adventices présentes. Adapté à la parcelle, ce type de traitement donne souvent pleine satisfaction.
Le chlortoluron est un herbicide racinaire dont le comportement est fortement influencé par la pluviosité (trop de pluie induit un manque de sélectivité) et le type de sol (une teneur en matière organique élevée provoque une baisse d’efficacité). Sa persistance d'action est faible car il disparait rapidement pendant la période hivernale. Il est très sélectif des céréales (excepté aux stades 1 à 3 feuilles, BBCH 11-13) et efficace contre les graminées annuelles peu développées dont le vulpin et les dicotylées classiques comme le mouron des oiseaux et la camomille. En froment d’hiver, le chlortoluron ne peut cependant être utilisé que sur des variétés tolérantes.
Largement utilisé par le passé, le prosulfocarbe n’est plus une référence contre les graminées. Il constitue toutefois un partenaire de choix contre un certain nombre de graminées et de dicotylées annuelles dont les VVL (violettes, véroniques, lamiers). Il est très valable contre le gaillet gratteron mais inefficace sur camomille.
La pendimethaline, l'isoxaben, le diflufenican ou le beflubutamide complètent idéalement le chlortoluron ou le prosulfocarbe en élargissant leur spectre antidicotylées aux VVL (mais pas au gaillet gratteron) et en renforçant leur activité sur les graminées. Au contraire de l’isoxaben, la pendimethaline, le diflufenican et le beflubutamide sont peu efficaces contre la camomille. Ces herbicides doivent être appliqués quand les adventices sont encore relativement peu développées (maximum 2 feuilles, BBCH 12). L'association du diflufenican avec la flurtamone dans le BACARA élargit le spectre sur les renouées, mais surtout sur le jouet du vent.
Le flufenacet, actif contre les graminées et quelques dicotylées, doit être appliqué très tôt, sur des adventices de petite taille ou non encore germées. Il peut dès lors être pulvérisé en préémergence et juste après la levée de la culture. Disponible seul dans plusieurs spécialités commerciales, le flufenacet est associé au diflufenican (dans le LIBERATOR et d’autres produits), à la pendimethaline (dans le MALIBU) ou au picolinafen (dans le PONTOS et le QUIRINUS) pour obtenir un spectre plus complet. Les camomilles et les gaillets peuvent toutefois échapper à ce type de traitement. Un manque de sélectivité peut être observé en cas de semis grossier et motteux.
Seuls deux antigraminées foliaires sont applicables dès l’automne : le pinoxaden (dans l’AXIAL) et le fenoxaprop (dans le FOXTROT et le PUMA S EW). En culture d’escourgeon, la lutte contre les graminées développées (BBCH 21-25), repose uniquement sur l’AXIAL et, dans une moindre mesure, le FOXTROT (le PUMA S EW n’est pas autorisé en escourgeon). En froment, ces produits sont rarement conseillés à l’automne.
Traitements automnaux recommandés en culture d'escourgeon. Les substances actives sont renseignées en italique et les spécialités commerciales en MAJUSCULES. Les spécialités commerciales ne sont pas indiquées lorsqu'il en existe plusieurs.
Traitements printaniers
Une fois l'hiver terminé, les conditions climatiques redeviennent propices au développement de la culture mais aussi à celui des mauvaises herbes en favorisant leur développement ou en provoquant de nouvelles germinations. Le céréalier devra vérifier l'efficacité des traitements effectués à l'automne (escourgeons et froments semés précocement) et, le cas échéant, réaliser un traitement de rattrapage adapté. Il devra également choisir un traitement pour la majorité des froments, non pulvérisés à l'automne.
Encore une fois, la sélection du traitement doit être raisonnée pour chaque parcelle en fonction de la flore adventice rencontrée. Les espèces présentes déterminent les substances actives à utiliser alors que le niveau d'infestation et le stade de développement modulent les doses à appliquer. Il est important d'effectuer un traitement combinant efficacité sur la flore présente et persistance d'action.
Il est indispensable que la céréale ait atteint un stade de développement suffisant pour éviter tout effet phytotoxique. Cela suppose qu'elle ait bien supporté l'hiver, sans déchaussement et qu’elle soit en bon état sanitaire. Le froment doit avoir atteint le stade début tallage (BBCH 21) : la première talle doit être visible!
Lutte contre les graminées en escourgeon et orge d'hiver
Lorsqu’un rattrapage contre les graminées est nécessaire, les schémas de désherbage seront basés sur le pinoxaden de l'AXIAL (ou AXEO) ou le fenoxaprop (dans le FOXTROT). En effet, ces substances actives sont des antigraminées spécifiques, efficaces notamment contre le vulpin et le jouet de vent.
Lutte contre les graminées en épeautre, froment, seigle et triticale
Les céréales sont des graminées au même titre que le vulpin, le jouet du vent, la folle avoine, le ray-grass, le chiendent, etc. Logiquement, il est malaisé d'épargner les plantes cultivées et de détruire les mauvaises herbes quand les unes et les autres sont botaniquement proches. C'est pourquoi, la lutte contre les graminées reste le problème majeur du désherbage des céréales. Les antigraminées de dernière génération sont d'ailleurs presque systématiquement associés à un phytoprotecteur (ou safener). Ces produits permettent à la céréale de métaboliser l'herbicide qui, sans cela, pourrait s'avérer phytotoxique.
Il existe principalement 6 substances actives efficaces utilisables au printemps contre les graminées: le chlortoluron, la propoxycarbazone, le mesosulfuron, le fenoxaprop, le pinoxaden et le pyroxsulam. Ces molécules présentent un spectre antigraminées qui leur est propre (consulter la sensibilité des mauvaises herbes aux herbicides). Le chlortoluron et le pyroxsulam présentent une efficacité intrinsèque vis-à-vis de certaines dicotylées et peuvent en outre être associés à une substance active antidicotylées en vue d'élargir le spectre. Le mesosulfuron est toujours associé à une autre molécule dans les produits commerciaux disponibles.
Si la flore adventice le nécessite, il faut veiller à compléter ces traitements avec un antidicotylées approprié (consulter la lutte contre les dicotylées).
Pour choisir entre ces produits, il faut tenir compte avant tout du stade de développement des graminées adventices. Si toutes les substances actives sont efficaces sur des vulpins faiblement développés, un manque d'efficacité du chlortoluron et de la propoxycarbazone est à craindre sur des vulpins plus développés.
Les substances actives efficaces sur les graminées utilisables au printemps en froment.
Le chlortoluron est actif contre les graminées et les dicotylées classiques. Il présente aussi une activité secondaire sur d'autres adventices au stade cotylédonaire. De ce fait, il permet d'éliminer une bonne part des adventices les plus gênantes. Il doit être appliqué sur une culture ayant atteint le stade tallage (BBCH 25) et sur des mauvaises herbes peu développées. Il devra être complété ou corrigé ultérieurement, en fonction des espèces d’adventices rencontrées et de leur développement. Si des graminées trop développées pour le chlortoluron sont présentes, il est possible de l'associer à un antigraminées spécifique (fenoxaprop ou pinoxaden, par exemple) ou à un herbicide principalement antidicotylées mais ayant une action complémentaire sur les graminées (diflufenican, pendimethaline,…). Pour élargir le spectre sur dicotylées, les molécules ne manquent pas : hormones, sulfonylurées ou bien PPOIs.
La propoxycarbazone, disponible dans l'ATTRIBUT, est efficace uniquement contre les graminées et les crucifères (capselle, sené, moutarde, tabouret des champs, repousses de colza,…). Elle est particulièrement active sur le chiendent et les bromes. Du fait de son mode de pénétration principalement racinaire, elle peut agir tant en pré- qu'en postémergence des graminées. Toutefois, en postémergence (max. BBCH 25), la pénétration dans les adventices sera souvent meilleure et, avec elle, l'efficacité. Il sera éventuellement nécessaire de compléter ou de corriger ce traitement ultérieurement en présence de dicotylées. La propoxycarbazone est également disponible en association avec le mesosulfuron (voir ci-dessous,) une substance active essentiellement antigraminées, dans le SIGMA FLEX.
À l'heure actuelle, le mesosulfuron est l'antigraminée procurant l'efficacité la plus intéressante, même sur des vulpins difficiles. Non disponible seul, il est associé à la propoxycarbazone dans le SIGMA FLEX, ce qui renforce son efficacité contre graminées. Comme il est peu efficace sur les dicotylées, il est associé à l'iodosulfuron dans le SIGMA MAXX, ce qui élargit le spectre aux dicotylées classiques et renforce l'efficacité sur jouet du vent. L’OTHELLO et le KALENKOA combinent, selon des ratios différents, le mesosulfuron, l’iodosulfuron et le diflufenican, ce qui permet d’étendre le spectre antidicotylées aux VVL. D’autres produits arrivés récemment sur le marché complètent la gamme. Le SIGMA PLUS (= SIGMA SUPRA), en plus du mesosulfuron et de l’iodosulfuron, renferme de l’amidosulfuron, très efficace contre le gaillet. Grâce à l’intégration de la thiencarbazone dans le SIGMA STAR et l’ARCHIPEL STAR, le spectre antidicotylées s’étend, notamment aux VVL. Tous ces produits incluant du mesosulfuron devront être pulvérisés en mélange avec 1 L/ha de produit à base d'huile de colza estérifiée. Le mesosulfuron doit être appliqué sur une culture ayant atteint le stade tallage (BBCH 21) et, en dépit de sa composante racinaire, sur des adventices déjà levées.
Le fenoxaprop et le pinoxaden sont efficaces uniquement sur les graminées. Ils sont toujours associés à un phytoprotecteur qui aide la culture à détoxifier l'herbicide. Tout comme le mesosulfuron, ils sont capables de détruire des vulpins ayant atteint le stade redressement (BBCH 30). En raison de leur mode de pénétration exclusivement foliaire, il ne faut les appliquer qu'en postémergence des adventices. En présence de dicotylées dans la parcelle, ce type de traitement devra obligatoirement être complété ou corrigé ultérieurement. Attention, le mélange de ces produits avec certains antidicotylées peut, par antagonisme, entraîner une baisse d'efficacité sur graminées.
Le pyroxsulam du CAPRI présente une efficacité contre vulpin et jouet du vent comparable à celle du mesosulfuron. Il contrôle en outre les véroniques, les pensées et d’autres dicotylées mais il est moins flexible. Son mode de pénétration est essentiellement foliaire. Il lui faudra donc attendre la présence des adventices pour être efficace. Toujours à pulvériser avec une huile, il peut être appliqué dès le stade début tallage (BBCH 21). Il sera nécessaire de le compléter par un antidicotylées adapté en présence de camomille ou de gaillet. Dans certains produits comme le CAPRI TWIN, le BROADWAY et le CAPRI DUO, le florasulam, est intégré directement, ce qui élargit le spectre aux camomille ou de gaillet, notamment. Le REXADE TRIO combine le pyroxsulam, le florasulam et l’halauxifen, ce qui permet de renforcer l’action sur coquelicot, étendre le spectre aux lamiers et fumeterre. Attention toutefois que la dose d’emploi de ce produit ne permettra pas un contrôle suffisant des graminées.
Lutte contre les dicotylées
En général, les produits antidicotylées sont utilisables aussi bien en escourgeon qu'en froment d'hiver. De petites différences quant à leur usage peuvent cependant apparaître. Il conviendra toujours de se référer à l'étiquette des produits et aux possibilités agréées pour s'assurer de les utiliser correctement et en toute sécurité.
Au printemps, les produits antidicotylées s'utilisent, soit mélangés à un antigraminées pour compléter le spectre de celui-ci, soit seuls s'il n'y a pas de graminées dans la parcelle. De nombreux produits associant deux, voire trois substances actives sont disponibles sur le marché et permettent de faire face à des flores très variées.
Le choix de l'herbicide antidicotylées doit avant tout tenir compte des adventices présentes et de leur stade de développement. En cas de mélange avec un antigraminées, il importe de s'assurer de l'absence d'effet antagoniste. Des produits sont antagonistes quand le mélange des deux réduit l'efficacité d'au moins un des partenaires par rapport à son utilisation seul. Il peut également être intéressant de combiner (association ou mélange) des substances actives efficaces sur la flore en place, avec d'autres assurant une persistance d'action suffisante pour prévenir de nouvelles germinations.
Substances actives efficaces contre les dicotylées rencontrées le plus fréquemment. Elles sont tantôt disponibles seules, tantôt associées.