La carie commune du blé

La carie était absente de nos régions depuis les années cinquante, grâce à la désinfection quasi-systématique des semences.  Cette maladie a cependant fait son grand retour en 2020 chez plusieurs agriculteurs ayant utilisé des lots de semences infectés et non traités.  

La carie commune du blé est causée par des champignons du genre Tilletia, principalement T.  caries mais également, en moindre mesure, par T. laevis (synonyme : T. foetida)Ces deux espèces ont été identifiées en 2019 en Wallonie. Ce champignon est doté d’un fort pouvoir pathogène et d’un grand potentiel de propagation via la semence.  En effet, un seul grain carié peut contenir jusqu’à neuf millions de spores. Ces dernières sont libérées lors du battage, contaminant ainsi les grains sains mais aussi le sol, les équipements de récolte et de stockage.  La transmission de la maladie aux semences peut donc se faire au moment de leur récolte mais également au semis, le champignon étant capable de survivre plusieurs années dans le sol.  Cette maladie génère, d’une part, une baisse significative du rendement et, d’autre part, une dépréciation de la récolte pouvant conduire au refus des lots.  En effet, il suffit d’un épi carié sur 1000 pour qu’une odeur de poisson pourri, due à la présence de triméthylamine, se dégage du lot contaminé, le rendant impropre à la consommation animale et a fortiori humaine.  L’absence d’odeur perceptible ne garantit cependant pas l’absence de carie.  Lorsque les analyses montrent la présence de ce pathogène (1 spore/grain), les semences sont automatiquement traitées avec des produits synthétiques.  Si plus de 100 spores/grain sont détectées, l’infection est considérée comme trop importante et les lots sont détruits.

Figure 1 – à gauche, grains sains; à droite, grains cariés.  L’amidon des grains a été remplacé par les spores du champignon formant une poudre noire très fine (Photo CRA-W).

Cycle de développement du champignon

La carie du blé est une maladie cryptogamique des céréales qui se transmet principalement par la semence.  Elle peut également se transmettre par le sol jusqu’à cinq années après une culture contaminée.  La contamination a lieu entre la germination du grain et le stade deux feuilles, stade auquel la plante devient résistante.  Dès que la plante est contaminée, il est trop tard pour agir.  Le champignon va se développer discrètement au sein de la plante jusqu’au remplissage des grains.  C’est à ce stade de développement de la culture que les symptômes les plus visibles apparaitront : épis ébouriffés, grains immatures vert foncé et remplis d’une poudre noire.

Symptômes

Dès l’épiaison : plante de coloration bleue-verdâtre, épiaison plus précoce, tiges plus courtes, aspect « ébouriffé » de l’épi dès la floraison.

Au stade « laiteux » : la maturation des épis atteints parait plus tardive, une coloration plus sombre des grains cariés est observée, l’aspect « ébouriffé » de l’épi est nettement visible, dû aux grains cariés qui sont plus ronds et les grains cariés contiennent une masse de spores noires.

Lors de la récolte : une odeur nauséabonde, de poisson pourri, est perceptible (possible à partir d’un épi /1000, mais pas systématique). Un nuage de spores peut être observé autour de la moissonneuse si la contamination est très forte. Observation de spores noires dans la brosse et sillon du grain (grains boutés) et de balles sporifères (grains cariés) lorsque contamination forte (ITAB).

 

Figure 2 : à gauche, épis sains ; à droite, épis cariés. Les épis cariés ont un aspect ébouriffé et une coloration bleutée (Photo : D. Eylenbosch, CRA-W)

 

Figure 3 : à gauche, épi sain ; à droite, épi carié. Les épis cariés montrent un retard de maturité (Photo : D. Eylenbosch, CRA-W)

Moyens de lutte

Il n’existe aucun moyen d’arrêter le développement de la carie au sein d’une plante lorsque celle-ci a été contaminée. Seule la prévention permet donc de lutter contre cette maladie.

Traitement des semences

En agriculture conventionnelle, la carie est maîtrisée par la désinfection systématique des semences à l’aide de fongicides synthétiques efficaces.  Une efficacité de plus de 99% est nécessaire pour enrayer la propagation de cette maladie.  Tous les produits de synthèse agréés en Belgique atteignent ce niveau de protection.  Autorisations à consulter sur Phytoweb.

Il en va tout autrement en agriculture biologique, où seuls trois traitements de semences sont autorisés en Belgique:

  • le CERALL®, un biopesticide constitué d’une préparation à base de Pseudomonas chlororaphis, une bactérie naturellement présente dans les sols. De nombreux essais ont prouvé l’efficacité de ce traitement de semences contre la fusariose, la septoriose de l’épi (Septoria nodorum) et la carie commune du blé.  Néanmoins, cette efficacité est assez irrégulière.
  • le VINAIGRE : cette substance de base est reconnue par la Commision Européenne comme ayant des vertus fongicides en traitement de semences. Il est à appliquer à la dose de 1 à 4 L/100 kg suivant la concentration du produit.  La dose précaunisée avec du vinaigre 7% étant de 1L de vinaigre + 1L d’eau/ 100 kg de semences. L’efficacité de ce traitement est correcte mais pas totale (voir le document d’approbation).
  • la poudre de graine de MOUTARDE : l’utilisation de cette substance de base est également autorisée dans le traitement de semences contre la carie commune en culture de froment d’hiver et de printemps ainsi qu’en épeautre. Le traitement pour 100 kg de semences est réalisé avec le mélange de 1.5 kg de poudre de graine de moutarde dans 4.5 L d’eau. Ici encore, l’efficacité est correcte mais pas totale (voir le document d’approbation).

Ces traitements de semences  agréés en agriculture biologique ne fournissent donc pas une protection suffisante (<99%) pour enrayer la propagation de la carie. Ceci a été démontré dans des essais du CRAW menés en 2020 (Figure 4).  Ces traitements sont donc à combiner avec d’autres méthodes pour atteindre le niveau d’efficacité nécessaire.  Il est donc très important de vérifier soigneusement l’état sanitaire des semences utilisées, de trier celles-ci, de pratiquer un brossage des grains lorsque c’est possible et, par précaution, d’effectuer un traitement avec un produit agréé.

Ces traitements de semences  agréés en agriculture biologique ne fournissent donc pas une protection suffisante (<99%) pour enrayer la propagation de la carie. Ceci a été démontré dans des essais du CRAW menés en 2020 (Figure 4).  Ces traitements sont donc à combiner avec d’autres méthodes pour atteindre le niveau d’efficacité nécessaire.  Il est donc très important de vérifier soigneusement l’état sanitaire des semences utilisées, de trier celles-ci, de pratiquer un brossage des grains lorsque c’est possible et, par précaution, d’effectuer un traitement avec un produit agréé.

Figure 4 : Evaluation de l’efficacité de traitements de semences contre la carie commune du blé.  Résultats obtenus après contamination de semences de froment d’hiver (variété Renan) et présentés en terme de pourcentage d’épis cariés.  Le Redigo® (100g/L prothioconazole) a été utilisé comme produit fongicide de référence.  La farine de moutarde, le vinaigre et le Cerall ® (Pseudomonas chlororaphis) sont les trois traitements de semences autorisés en agriculture biologique en Belgique.  La formulation à base de cuivre évaluée dans l’essai n’est actuellement pas autorisée en Belgique. Résulats obtenus après une année d’essai (saison 2019-2020).

Choix variétal

La lutte contre la carie peut également passer par le choix variétal et des espèces de céréales. L’avoine et l’orge sont considérées complètement résistantes. Le seigle peut être touché dans de rares cas, et le triticale est plus ou moins sensible selon la variété et la souche de carie présente.

En effet, parmi les cultures de céréales sensibles (froment, triticale, seigle), il existe un petit nombre de variétés tolérantes, voire résistantes, à la carie. Ces résistance sont cependant spécifiques à certaines souches de la carie et ne s’expriment donc pas toujours. Une connaissance des souches présentes dans l’environnement de culture permettrait d’orienter le choix variétal.

 

Des essais sont actuellement en cours au CRA-W (Gembloux, Belgique) en vue de tester l’efficacité de solutions génétiques (choix variétal) contre la carie.  Une seule année d’essai est actuellement disponible, ce qui n’est pas encore suffisant pour pouvoir en livrer les résultats.  Certaines solutions sont cependant prometteuses.

En cas de contamination d’une parcelle :

Si une parcelle est infectée par la carie, il est recommandé de récolter celle-ci en dernier et de bien nettoyer tous les outils qui ont été en contact avec le grain.  Une désinfection de ceux-ci avec du vinaigre peut être envisagée comme solution peu coûteuse.  Une analyse en laboratoire des grains récoltés permettra de déterminer si l’infection est avérée ou non.  Le cas échéant, le lot devra être détruit.  Le retour d’une céréale sur une parcelle contaminée ne pourra se faire que sous certaines conditions :

  • réaliser un labour profond la première année et puis un travail superficiel durant les 5 années suivantes pour éviter de ramener les spores de carie en surface,
  • détruire les repousses de céréales,
  • ne pas revenir avec du blé (dur ou tendre) ou de l’épeautre avant au moins 5 ans (l’avoine, le seigle ou le triticile sont des alternatives),
  • eviter les semis tardifs de manière à favoriser une levée rapide lors de la réimplantation de céréales.

Liens utiles:

 

Auteurs de la page: Damien Eylenbosch, Anne Chandelier et Charlotte Bataille – CRA-W